Le pourquoi
On peut aujourd’hui apprendre le jazz de façon académique et suivre de vrais parcours scolaires mais la seule façon de se préparer à jouer avec d’autres est de connaître un minimum de morceaux qui sont devenus des standards du genre.
Les standards forment le langage commun et pour le comprendre et le reproduire il faut les connaître.
Le comment
Entrer dans l’intimité d’un morceau et faire en sorte qu’il devienne incroyablement familier est chose difficile qui prend du temps.
Ne pensez pas qu’il vous suffise de l’étudier une bonne fois pour le posséder.
Après en avoir pris connaissance, il va devenir un compagnon tout au long de votre parcours musical et chaque nouveau progrès accompli pourra trouver un terrain de jeu avec lui.
En partageant avec vous la méthode que j’essaye de suivre, j’espère renforcer votre détermination à apprendre le plus possible de standards.
Le choisir
La première motivation de votre choix est l’appréciation du morceau : pour pouvoir travailler longtemps dessus il faut l’aimer beaucoup.
Faites une sélection de titres qui vous attirent le plus dans une liste que vous aurez préalablement établie en rapport avec le niveau de complexité harmonique et technique que vous visez.
La bonne version
Recherchez dans des publications reconnues une version du thème qui est proche de celle que vous écoutez déjà et qui respecte la tonalité la plus courante (usuelle ou d’origine).
Premièrement : la mélodie
APPRENDRE PAR COEUR LA MELODIE !
Cette injonction péremptoire est à prendre très au sérieux : toute la suite va passer par votre tête et celle-ci doit être débarrassée au plus tôt de cette contingence.
A cette fin, vous suivez un processus itératif qui est basé sur la répétition :
- d’une écoute concentrée
- d’un chant accompagnant la lecture de la partition pendant la reproduction du thème
- d’une lecture rythmique (en vocalisation, frappes et battements)
pour aboutir en fin de compte à une intériorisation de la mélodie : vous devez être en mesure de chanter (dans votre tête) la mélodie à partir d’une note choisie à un moment clé de celle-ci.
les qualités de la mélodie
Le thème n’est pas devenu un standard par hasard.
Ses qualités intrinsèques se retrouvent dans la mélodie :
- la progression harmonique des accords est une version réduite de la mélodie
- une analyse harmonique ne peut être conduite sans s’appuyer sur elle
- la mélodie nous aide à entendre ou ressentir la structure
Une rigueur bien placée
Ne soyez pas trop rigide dans l’interprétation du thème : beaucoup sont flexibles et peuvent s’adapter à votre jeu.
Par contre, soyez rigoureux sur le rythme et ne dénaturez pas l’harmonie en introduisant des notes extérieures : respectez l’auteur et réservez cela pour vos solos.
Analyse du thème en degrés
Déterminez et marquez sur votre partition les degrés de chaque note en relation avec l’accord indiqué.
Cette démarche permet souvent de lever les ambiguïtés qui peuvent apparaître dans l’analyse harmonique qui va suivre et est un travail préparatoire aux ré-harmonisations possibles.
Votre première analyse en degrés des accords pourra toujours être modifiée après avoir finalisé l’analyse harmonique.
Jouer la mélodie
En fonction du registre (grave, médium ou aigu) déterminez les positions sur le manche.
Dans la mesure du possible, vous devez favoriser la position la plus confortable qui privilégie un doigté sans extension.
Les changements de positions sont effectués lors du passage sur des valeurs rythmiques longues (quand elles existent).
Etudiez différentes positions partout sur le manche et choisissez en au moins deux à travailler plus particulièrement.
Etablissez la relation mélodie / position / accords en essayant de créer une version simple de jeu en ‘Chord-melody’.
En jouant le thème, prenez conscience des passages où s’opèrent les changements de centre tonal.
Deuxièmement : l’harmonie
Etablissez la grille d’analyse harmonique avec les accords d’origine.
Cherchez à la simplifier en éliminant, dans les accords, les notes de tension qui ne sont pas indispensables à la compréhension de l’harmonie.
Numérotez en degrés (chiffres romains) les accords harmonisés par rapport au centre tonal du moment et indiquez leur fonction tonale.
Vérifiez la cohérence de votre analyse en confrontant votre logique harmonique avec les cadences standards du Jazz.
Faites particulièrement attention aux accords ambigus qui possèdent plusieurs fonctions tonales dans différents contextes harmoniques :
- accords diminués
- accords de passage
- ou substitution d’accord de dominante
- accords semi-diminués
- deuxième degré d’une séquence en mineur
- accord ‘X7 9 sans Fondamentale’
- accord de tonique ‘m6’ en mineur
- accords Majeur 7
- accord du I
- accord du IV
Identifiez bien les Dominantes Secondaires (D.S.) et les accords substituts.
Après l’analyse par degrés, prenez de l’élévation en délimitant les zones de la grille par gamme principale et notez les intervalles existants entre ces différentes zones.
Il est souvent intéressant de confronter l’analyse de vos accords avec d’autres versions fameuses ou importantes : vous pourriez être étonné de constater qu’il existe quelques fois des différences notables.
Accompagnement
Le choix des accords du ‘comping’ doit bien sûr s’établir par rapport à l’analyse harmonique mais ici la réflexion est menée surtout en termes de voicing.
Pratiquez plusieurs formes d’accompagnement pour être en mesure de s’adapter aux situations de jeu que vous pouvez rencontrer.
Souvent l’indication est faite en début de partition pour le style.
N’hésitez pas à essayer différents accompagnements, ne serait-ce que pour faire varier les plaisirs et renouveler l’intérêt.
Après plusieurs chorus, Il est souvent intéressant d’essayer de ré-harmoniser quelques accords en utilisant les substitutions.
Cette pratique est également utile pour faire varier vos solos.
Le solo
A partir de votre dernière analyse, établissez un synopsis des gammes, arpèges, triades et tout matériel de solo que vous êtes susceptible d’utiliser (voir préparation au solo).
Travailler sur des boucles enregistrées :
- par séquence
- ensuite par section
- et finalement par chorus
Un certain nombre de préceptes courants nous aident à réaliser un bon solo (suivre le lien).
Gardez à l’esprit
- que la mélodie reste une référence incontournable et qu’elle doit transparaître dans votre improvisation.
- qu’un rythme simple faisant ressortir les notes importantes est toujours meilleur à un flot bavard (même pyrotechnique)
- qu’un solo respire (au même titre que le guitariste)
- et que, comme tout discours, il y a un début, un exposé et une fin.